Pour s’engager en toute sérénité, et donc en (pleine) connaissance de cause, le candidat à la franchise doit adopter 6 attitudes responsables dès la remise de son Document d’Information Précontractuelle.
Dans un premier temps, il doit : comprendre les enjeux de cet acte, attendre plus que la réglementation de la part de son potentiel futur franchiseur, vérifier s’il peut construire son business plan à partir des éléments transmis. Explications.
Bien comprendre que le DIP doit éviter tout vice du consentement et que le contrat de franchise n’est pas un contrat « réglementé »
L’obligation d’information précontractuelle a été rendue obligatoire en France par la loi Doubin du 31 décembre 1989 pour rendre plus sérieux et attractif le système de franchise. Elle est apparue au législateur comme un moyen d’assainir ce secteur qui connaissait déjà alors de fulgurants succès… mais avait aussi essuyé quelques retentissants échecs de têtes de réseaux, peu scrupuleuses ou mal préparées à ce mode de partenariat.
Elle s’inspirait du Full Disclosure Act, instauré aux Etats-Unis dès 1979. « Il s’agissait de rétablir un déséquilibre entre les deux parties, en faveur d’un franchisé qui n’avait pas d’expérience ni sur le marché sur lequel il se lançait, ni du métier de chef d’entreprise », précise Anne-Cécile Benoit, avocate associée du cabinet Bourgeon Guillin Bellet & Associés, spécialisé dans la défense des franchisés.
« La remise d’un document d’information précontractuelle (DIP) vise à protéger les candidats à l’entrepreneuriat afin de leur donner des éléments leur permettant de prendre leur décision en toute connaissance de cause. L’objectif est bien entendu d’éviter, autant que faire se peut, un vice du consentement », ajoute Laurent Breyne, juriste de formation, qui a opéré durant 27 ans dans ce métier pour Decathlon (notamment à l’international) et aujourd’hui consultant Franchise Management.
Pour permettre de préparer et consolider un partenariat sain entre franchiseur et franchisé, un décret du 4 avril 1991 (article R. 330-1 du code de commerce) a détaillé le contenu du DIP, selon 4 grands chapitres : la tête de l’enseigne ; le réseau d’exploitants ; le marché général et local ; les données juridiques et financières.
Comme le souligne Maître Rémi de Balmann, avocat associé gérant chez D, M & D Avocats (spécialisé dans la défense des franchiseurs) et par ailleurs coordinateur du collège des experts de la Fédération Française de la Franchise, « le choix a ainsi été fait – et c’est très heureux – de légiférer sur la période précontractuelle plutôt que d’encadrer par voie législative le contrat de franchise lui-même.
A l’inverse du contrat de travail ou du contrat de bail – que les parties ne sauraient établir à leur guise – les contrats de franchise sont des contrats non réglementés, liberté étant ainsi laissée aux têtes de réseaux de prévoir des droits et devoirs réciproques les plus en phase avec leur secteur d’activité et leur concept propre ».
Attendre d’un DIP qu’il ne réponde pas seulement aux prescriptions réglementaires, mais qu’il reflète l’ADN du concept et de l’enseigne
Si le Document d’Information Précontractuelle (DIP) reste nécessaire, il n’est pas suffisant en l’état de la réglementation.
« D’une part, parce que les textes sont devenus, avec le temps, insuffisants. Et d’autre part, parce que de nombreux franchiseurs ont une organisation juridique qui peut leur permettre de ne pas communiquer tous les éléments requis par la réglementation, tout en restant conforme à elle.
Or, au-delà du DIP, le candidat entrepreneur a, par exemple, besoin de savoir, pour pouvoir se déterminer de manière éclairée, comment se met en œuvre le concept de son franchiseur, quel est le projet collectif proposé au réseau ou encore de connaître les performances économiques du réseau.
Cette transparence est notamment utile dans un monde économique en transformation rapide, comme le montre le développement des dark store ou dark kitchen, où l’on n’a pas toujours le temps d’attendre deux ans de bilans positifs pour partager un concept nouveau avec des franchisés.
Elle permet au franchiseur, dans ce cas, d’expliquer au candidat entrepreneur pourquoi son manuel opérationnel et sa formation ne sont pas entièrement achevés ou encore comment avance sa levée de fonds », précise Laurent Breyne.
« Le Document d’Information Précontractuelle a besoin d’être réadapté et complété, notamment sur certaines informations auxquelles le franchisé n’a pas ou plus accès. Comme par exemple, les bilans des pilotes du franchiseur, ce dernier n’étant plus obligé, à certaines conditions, de les rendre publics depuis 2014.
Un franchiseur ne peut être considéré comme sérieux que si l’on peut corroborer ce qu’il affirme. Nous encourageons d’ailleurs le candidat à la franchise, dès la première rencontre, et tout au long de l’éventuel contrat de franchise, à conserver des traces écrites de ses échanges avec l’enseigne. Même dans l’euphorie d’un nouveau projet et la hâte de reprendre une activité, il faut prendre le temps d’un écrit, de préférence par mail plutôt que par SMS », confirme Anne-Cécile Benoit, avocate associée du cabinet Bourgeon Guillin Bellet & Associés, spécialisé dans la défense des franchisés.
Pour Rémi de Balmann, « le DIP peut et doit être conçu du côté de la tête de réseau comme un moyen non pas seulement de répondre aux prescriptions réglementaires, mais aussi de refléter l’ADN du concept et de l’enseigne. Pour les jeunes réseaux, ce sera le moyen de vérifier que tous les ingrédients sont bien là pour avancer dans la voie de la construction d’un réseau solide. Par-delà le contrat de franchise lui-même, l’avocat vérifiera que les droits sur la marque existent au profit du franchiseur, que l’historique du réseau traduit une expérimentation réelle et ayant – sur le plan des résultats – permis d’établir non seulement que le concept est reproductible mais aussi qu’il va pouvoir apporter aux membres du réseau un avantage concurrentiel. La finalité pour le candidat étant de disposer d’un document lui permettant d’effectuer sa propre étude d’implantation, après avoir pu mesurer le professionnalisme du franchiseur et mesurer que l’enseigne va lui procurer ce qu’il en attend ».
De nouveaux éléments sont ainsi désormais essentiels à communiquer au sein d’un DIP pour informer complètement un candidat à la franchise, comme par exemple les savoir-faire et les savoir-être requis, pour mettre en œuvre le concept du Franchiseur.
« Un chef d’entreprise hors réseaux prend 100% des risques à sa charge. En franchise, où l’on est ensemble pour partager des valeurs communes et progresser collectivement, il doit accepter de donner du temps pour sa relation avec le franchiseur d’une part, et pour échanger avec les franchisés, d’autre part.
C’est pourquoi l’enseigne doit inclure dans son DIP les savoir-faire et savoir-être attendus, d’autant plus que le recrutement reste le moment le plus crucial pour un franchiseur. Exemples de savoir-faire : la capacité de gestion et le comportement avec la clientèle dans la restauration rapide.
Il faut décrire ce qui occupera 80% du temps du franchisé au regard de ses qualités et compétences, en étant précis. C’est totalement différent de manager quelques personnes dans un magasin alimentaire de proximité, avec qui l’on aura une relation quasi-amicale, que 20 à 30 personnes dans un supermarché, où le rapport sera plus anonyme.
En général, le DIP contient aujourd’hui plus de pages visant à la protection juridique du franchiseur que d’informations initialement prévues par la réglementation !
Or, toujours par volonté de transparence, le franchiseur doit rassurer le candidat entrepreneur sur le futur de son projet.
Il peut ainsi livrer son organisation juridique au niveau de ses sociétés, et même son organigramme complet, pour donner une saine lecture de ses propres investissements. Et ainsi montrer qu’il s’est donné la latitude pour revendre certaines sociétés ou faire entrer un investisseur, sans hypothéquer l’avenir de ses enseignes. Ces données évitent aussi des déconvenues, quand le capital social du franchiseur est bas ou que l’une de ses sociétés affiche de lourdes pertes », indique Laurent Breyne.
Disposer impérativement, dans le DIP, de toutes les informations nécessaires pour réaliser un business plan réaliste, et ainsi notamment définir sa rémunération
Le contenu d’un DIP doit permettre d’envisager l’avenir au sein de l’enseigne avec sérénité.
« La présentation de l’état général et local du marché des produits et services est souvent soit très laconique, soit très volumineuse sans permettre de retrouver les informations pertinentes.
S’il n’existe pas de jurisprudence claire sur cette question, le candidat à la franchise doit pouvoir établir la faisabilité de son projet de franchise à travers son business plan, à partir d’éléments comme les parts de marché de la concurrence en local et le taux d’emprise de l’enseigne sur son secteur. D’autant qu’il est tenu à un engagement de confidentialité, généralement accompagné de sanctions et de clauses pénales en cas de non-respect.
De même, tout franchiseur est censé détenir une ou deux succursales, pour continuer à tester les améliorations de son savoir-faire, afin de l’adapter à la concurrence et au marché. Les chiffres détaillés de ces points de vente facilitent le calcul du seuil de rentabilité pour le candidat à la franchise. Dans ce cas, il faut penser à ajouter les redevances, en général non payées par les succursales, et déduire des coûts de structure, comme le poste de directeur de salle dans la restauration occupé par le franchisé », précise Anne-Cécile Benoit.
Pour le franchiseur, « il est fondamental de montrer la performance de ses points de vente, en donnant des éléments au candidat pour constituer un business plan réaliste et ainsi définir sa rémunération : moyenne constatée des chiffres d’affaires des points de vente succursalistes et franchisés, ainsi que le meilleur et le moins bon, résultats des unités-pilotes… L’ensemble doit être certifié par un expert-comptable ou expliqué par ce dernier, si les résultats du franchiseur sont par exemple, affectés par des investissements.
Il est également important de communiquer au candidat entrepreneur les ratios essentiels, tels que la part de charge du personnel par rapport à la surface du magasin, ou encore les pourcentages de loyers par rapport au chiffre d’affaires à ne pas dépasser, pour optimiser la rentabilité du concept », insiste Laurent Breyne.
Bien légitimement, un candidat franchisé à qui un franchiseur ne fournirait aucune donnée comptable propre à une unité franchisée pourrait se demander comment convaincre le banquier ou le bailleur de le suivre dans son projet.
« La ligne de conduite est très simple pour « éviter les sorties de route », et l’annulation du contrat pour dol ou erreur : il faut et il suffit au franchiseur de ne transmettre que des données fiables et pertinentes et de bien se garder de « se lancer » dans l’établissement d’un quelconque prévisionnel. (…) Beaucoup des informations sont accessibles au public et la réalité est qu’en se rendant sur le site Infogreffe ou celui de l’INPI, le candidat franchisé aurait déjà directement bon nombre de ces fameuses informations contenues dans le DIP et qui n’ont en fait le mérite que d’être réunies au sein d’un seul et même document », relève Rémi de Balmann.
Si la présentation de l’état général et local du marché des produits et services est obligatoire dans un DIP, ces études sont parfois construites sur des bases de données qui ne sont plus à jour. Rien n’est alors plus essentiel qu’une étude de marché, complétée par une étude réalisée personnellement sur le terrain.
« L’étude de marché, qui reste à la charge du futur franchisé, n’est encore trop souvent ni lue, ni comprise. Si l’état général et local décrit une tendance du marché, rien ne vaut de se rendre sur le terrain, à pied dans les rues aux alentours de son emplacement, pour comprendre sa concurrence et ses futurs clients. Et pouvoir ainsi proposer un comportement en magasin et une communication locale adéquates. Le papier ne dit pas si le concurrent est dynamique et accueille ses clients avec le sourire, ou si son magasin reste vétuste et son approche peu engageante.
Si le candidat entrepreneur dispose de 20 jours minimum pour étudier le concept du franchiseur à partir du DIP, et que sa « ruée vers l’or » peut lui faire perdre toute raison, il doit, comme tout bon négociateur, savoir résister à la pression du temps et à son désir d’entreprendre. Notamment pour pouvoir trouver un local de qualité, au juste prix », rappelle Laurent Breyne.
A lire aussi : DIP et contrat de franchise : 6 attitudes responsables à adopter pour le candidat à la franchise (Partie 2)