Ces enseignes françaises qui osent le Canada

Ces enseignes françaises qui osent le Canada

[Parole d’expert] Depuis les années 80, de nombreuses enseignes françaises ont tenté l’aventure canadienne. Tels des pionniers, beaucoup s’y sont essayé et beaucoup ont échoué. 


Depuis ces années d’entrées et de sorties, les enseignes ont changé leur approche ; le marché a lui aussi évolué. Alors pourquoi cet engouement pour ce pays ? Quelles sont les enseignes qui réussissent ? Quelles sont les bonnes pratiques en 2025 pour aborder ce marché ? Xavier Chambon, CEO Classe Affaires, nous apporte des éléments de réponses.

L’amour pour le Canada, et particulièrement pour la belle province, a commencé dans les années 70 avec l’arrivée en 1973 de Roche Bobois à Québec. Puis, c’est au tour de l’entreprise bretonne Yves Rocher de planter son drapeau au Québec en 1981. La première usine Bridor du groupe Le Duff est implantée à Montréal en 1983 et en 2006 s’ouvre la première boulangerie Brioche Dorée à Place Ville-Marie. Les 3 Brasseurs ont installé leur premier restaurant sur la rue St-Denis en 1986 et compte aujourd’hui plusieurs restaurants au Québec et en Ontario. Ces enseignes ont traversé les tempêtes (de neige), ont dû adapter leurs modèles et ont trouvé la clé pour rejoindre les consommateurs canadiens dans leur marché et selon leurs positionnements respectifs. Ils font désormais partie du paysage canadien, à tel point que les locaux pensent que ces enseignes sont du pays !

Le temps est donc nécessaire pour se donner les moyens de trouver la rentabilité et la stabilité afin de réussir à percer. C’est sans doute un des secrets de longévité sur ce marché canadien qui, en réalité, se traduit par plusieurs marchés canadiens tant le pays est grand, diversifié culturellement et linguistiquement

Pour un francophone, le Québec, c’est l’Amérique en français ! C’est aussi la porte d’entrée de l’Amérique du Nord avec toutefois des codes de consommation et des pratiques d’affaires très différentes de l’Europe. C’est un avantage et un inconvénient pour les enseignes qui s’implantent. L’avantage c’est qu’il n’y a pas trop d’adaptation linguistique pour l’entreprise et ses services et qu’il est assez facile de comprendre son interlocuteur. Mais cela peut vite devenir un inconvénient si on se laisse bercer par la simple compréhension de la langue. En effet, la culture d’affaires, les modes de consommation sont plus proches des États-Unis que de l’Europe. Il faut donc très vite comprendre les codes. Ils peuvent être nombreux : les codes de consommation, le vocabulaire, les anglicismes à bannir pour le Québec, les pratiques commerciales, les conditions générales de vente, le système bancaire, le management…Il est coutume de dire qu’entre le Québec et la France, nous sommes séparés par la même langue.

Il n’y a pas un secret pour le succès mais plutôt des bonnes pratiques que l’on a pu observer au fil des années, des essais et des erreurs. Voici donc ce qui en ressort :

  1. Comprendre le marché, saisir les codes et analyser le potentiel.
  2. Le Canada n’est pas les États-Unis, le Québec n’est pas le Canada et le Québec n’est pas la France.
  3. Le Canada oui, mais avec une volonté de développer l’Amérique du Nord. Il faut bien choisir sa province et cibler les bonnes opportunités. Les enseignes françaises choisissent naturellement le Québec comme porte d’entrée de l’Amérique du Nord.
  4. L’opportunisme peut coûter cher. Il faut éviter de succomber aux chants des sirènes. De nombreux concepts se sont implantés par opportunisme et malheureusement rares sont les bannières qui ont réussi à se développer voire à y rester.
  5. Établir la preuve du concept. C’est un principe de base en franchise qui s’applique aussi au Canada. Il n’est pas de concept duplicable si la preuve de concept n’est pas faite. On peut apprendre en marchant avec un partenaire local, mais il faut bâtir ensemble la preuve du concept avant de pouvoir développer.
  6. Être “time to market”, autrement dit, être là au bon moment. C’est sans doute ce qu’il y a de plus délicat à percevoir. Être trop en avance nécessite d’avoir les reins solides, être trop en retard ne permet pas de se déployer.
  7. Avoir un bon réseau et des experts locaux qui accompagnent la franchise au Québec tout au long de son déploiement. Les comptables, avocats, experts sont avant tout des partenaires de développement; ils sont au démarrage du projet et s’impliquent dans le développement par des contacts, des références….

Il ne faut pas négliger la « French Touch », synonyme de raffinement, d’élégance et de qualité. Le savoir-faire français au Canada est reconnu et trouve un écho particulier dans des secteurs tels que la restauration, l’automobile, l’événementiel, la beauté, l’alimentation, etc.

C’est le faire-savoir, qu’il faut nuancer selon les provinces. Au Québec, afficher son origine France, est moins stratégique que dans les provinces anglophones. Il faut assumer ses origines, mais c’est davantage dans l’adaptation de la communication, le ton, le vocabulaire local sur lesquels il faudra mettre l’accent. Dans d’autres provinces très souvent multi-ethniques et pluriculturelles , le fait d’ajouter le mot Paris ou France peut donner une signification plus haut-de-gamme, gage de qualité et de haut standard. Tout dépend du secteur d’activité bien entendu.

On constate une accélération des implantations depuis 2015 dont voici quelques exemples non exhaustifs.

2013 : Implantation des boutiques de chocolats Jeff de Bruges à Montréal.

2015 : Lancement de Point S au Canada, avec près de 1 000 points de service sous quatre bannières établis d’un océan à l’autre. Point S Canada est devenu le plus important réseau de détaillants indépendants de pneus et de services d’entretien automobile au Canada.

2017 : AGEM (Quadro), le mobilier sur-mesure, basé à Montréal.

2017 : Ouverture de Lézard Créatif à Montréal.

2018 : Ouverture de la première boutique Ladurée à Vancouver. La marque se déploie en Ontario et en Colombie-Britannique avec 6 magasins bien positionnés.

2018 : Les Boulangeries Ange ouvre une première succursale à Boucherville, dans la banlieue sud de Montréal; on en compte maintenant 13 au Québec.

2020 : En pleine pandémie, Columbus Café & co implante sa première tanière en plein cœur du plateau Mont-Royal, à Montréal. Ils fêtent leur 20e ouverture en février 2025. Reconnaissons leur très belle percée.

2021 : La Boulangerie Paul ouvre à Vancouver.

2021 : Lancement de Digi-Sports au Québec.

2024 : Arrivée de Quizzroom à Montréal avec son jeu questionnaire comme à la télé, une toute nouvelle franchise dans le secteur de l’événementiel et du divertissement.

2024 : Le parfumeur Adopt à prix doux ouvre ses premiers points de ventes à Québec et à Montréal.

2025 : Ouverture de la première boutique Mobilier de France d’Amérique du Nord en plein cœur de Montréal.

On peut attribuer ces nouvelles implantations à plusieurs facteurs. Le premier est qu’il y a une volonté de diversifier les marchés et le Canada est une terre d’opportunité. Mais c’est surtout un marché moins coûteux que celui des États-Unis pour ceux qui en ont fait l’expérience. Le deuxième facteur est que les enseignes ont à leur tête une nouvelle génération de dirigeants plus ouverts sur l’international. L’anglais est moins un obstacle, bien que le Français ait encore tendance à penser qu’il ne sait pas parler anglais correctement. Le troisième facteur, c’est le retour ou le partage d’expériences. En effet, il est plus facile de pouvoir échanger avec les pionniers de la première heure ou avec ceux qui ont tenté l’aventure, qu’elle soit réussie ou non. Dans les réseaux de franchises, on constate que la parole et l’échange se font plus naturellement qu’avant. On peut être concurrent sur notre territoire et pouvoir collaborer et partager les informations à l’export. Enfin, de nombreux organismes comme les Chambres de commerces, le Conseil québécois et canadien de la franchise, les magazines ou sites spécialisés, sont des sources d’inspiration importantes et très pertinentes pour toute enseigne qui souhaite collecter de l’information.

C’est un vœu pieu mais qui commence à se réaliser. Et si les enseignes françaises étaient capables de travailler ensemble pour être plus performantes au Canada ? Si tout comme il existe Little Italy ou China Town, le Little French Village ou la “French Franchise Connection” existait sans qu’on le sache vraiment ? On note de belles initiatives entre enseignes qui ont la volonté de collaborer. Bien que cela ne soit pas si facile, il y a des exemples de belles réussites entre les réseaux. Cela commence par la logistique. Après la pandémie, les coûts d’approvisionnement ont explosé et des enseignes ont développé des techniques de groupages pour baisser les coûts. Certaines enseignes vendent des produits chez les uns et proposent des services chez les autres. Ces initiatives sont de plus en plus observées car ouvrir un pays n’est pas simple et c’est toujours mieux de pouvoir s’entraider. C’est dans le domaine de l’agro-alimentaire qu’il y a le plus de partages et de connexions entre les acteurs français du Canada. Chasser en meute ou développer l’exportation collaborative entre enseignes françaises doit permettre le “Make the French franchise great again !”


(vérifié par notre rédaction)

Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : Ces enseignes françaises qui osent le Canada.

Un historique riche : Depuis les années 70, plusieurs enseignes françaises ont réussi à s’établir au Canada, notamment Roche Bobois et Yves Rocher. Ces entreprises à succès ont dû faire preuve d’adaptabilité pour s’intégrer dans le marché canadien, et certaines sont désormais perçues comme locales.

Attrait du marché canadien : Le Québec, francophone et culturellement accessible pour les Français, représente une porte d’entrée, pour les franchiseurs, vers l’Amérique du Nord. Les entreprises doivent cependant naviguer entre les nuances culturelles et les habitudes de consommation locales, différentes entre les clients canadiens et français.

Bonnes pratiques pour réussir : Les marques doivent comprendre les codes locaux, établir la preuve de leur concept, et se déployer au bon moment. Un réseau solide d’experts locaux est crucial pour accompagner le développement du système de franchise au Québec.

“French Touch” : un atout majeur ? Le savoir-faire français possède un certain succès généralement en Amérique du Nord. Cependant, la pertinence de cet aspect dépend des provinces : au Québec, il est moins stratégique que dans des provinces anglophones, où une présence française peut être valorisante.

Collaboration et opportunités : Une nouvelle génération d’entrepreneurs français s’ouvre aux marchés internationaux, facilitant les échanges d’expériences. Les synergies entre marques françaises au Canada, comme le partage de logistique, promettent d’améliorer la rentabilité et la durabilité des projets des candidats à la franchise à long terme.

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