La distribution alimentaire dans le viseur du législateur européen : comprendre l’Arrêté Royal du 20 juin 2024

La distribution alimentaire dans le viseur du législateur européen : comprendre l'Arrêté Royal du 20 juin 2024

Dans le prolongement de la législation en vigueur relative au déséquilibre significatif existant en matière de distribution, l’arrêté royal du 20 juin 2024, vient renforcer la protection des exploitants de points de vente indépendants.


Il agit particulièrement dans le secteur de la distribution alimentaire souvent soumis à des conditions contractuelles abusives.

Face à la concentration du marché de la distribution alimentaire en Belgique (dominé par trois grands acteurs représentant près de 80 % du marché) le législateur est intervenu en faveur des commerçants de détails à dominante alimentaire.

L’entrée en vigueur de cet arrêté a été motivé par les conditions contractuelles abusives auxquelles étaient soumis certains opérateurs. Il a en effet été observé que les exploitants indépendants avaient pu être contraints par des clauses d’approvisionnement exclusif (ou quasi exclusif), ou encore étaient tenus d’appliquer les prix minimum et promotions imposés par leur cocontractant. De telles pratiques avaient pour conséquence d’affecter de manière disproportionnée leur rentabilité par rapport au bénéfice de leur partenaire, partie forte au contrat. Ces conditions étaient souvent imposées sous peine de sanctions importantes renforçant d’autant plus la dépendance économique de ces derniers à l’égard des enseignes de grande distribution voire d’une résiliation ou non-reconduction des contrats de distribution.

Ainsi, au vu de la structure particulière de ce secteur et des déséquilibres constatés, une intervention réglementaire s’est imposée.

L’Arrêté Royal du 20 juin 2024 s’applique alors spécifiquement aux accords de partenariat commercial conclus entre une entreprise et une entreprise de commerce de détail en magasin non spécialisé à prédominance alimentaire.

Ce texte vise en particulier les exploitants indépendants qui collaborent avec de grands distributeurs alimentaires, souvent en situation de faiblesse face à ces derniers. Les accords de partenariat correspondent aux contrats de distribution et intègrent notamment les contrats de franchise.

L’arrêté prévoit des clauses dites « noires » qui sont présumées être abusives de manière irréfragables dont notamment :

  • Les clauses qui limitent ou excluent la responsabilité de la partie forte au contrat ou qui ont pour objet d’interdire de manière indue le droit de pouvoir s’approvisionner chez des tiers en cas de non-respect ou de manquement à l’obligation de livraison pour des biens et des services du créancier de l’obligation de fourniture (partie forte au contrat).
  • Les clauses interdisant toute négociation durant la période de préavis de résiliation contractuel ou interdisant le développement d’une activité nouvelle et non-concurrente durant cette période ou durant le délai prévu par la clause de non-concurrence.
  • Les clauses faisant supporter au débiteur de l’obligation plus de la moitié des coûts résultant de la réalisation et de la mise en œuvre d’actions promotionnelles de vente qui sont imposées par le créancier de l’obligation.
  • Les clauses attributives de compétence ayant pour effet de donner compétence au tribunal du siège de la partie forte du contrat ou à un tribunal situé au sein d’une région dont la langue applicable est distincte de celle du co-contractant.

Le texte prévoit également des clauses « grises » qui sont présumées abusives jusqu’à preuve du contraire dont notamment :

  • Les clauses d’option et de préemption au profit de la partie forte au contrat et aboutissant à une valorisation dérisoire du fonds de commerce ou des actions de l’entreprise co-contractante.
  • Les clause (ou la combinaison de clauses) qui a/ont pour objet d’obliger la partie faible au contrat à exploiter une entreprise structurellement déficitaire depuis au moins douze mois, sans prévoir un délai de préavis de quatre mois maximums, sans indemnité supplémentaire.

Cet arrêté élargit donc la liste des clauses contractuelles grises et noires, dans les relations entre opérateurs de la distribution. Ce texte vise à interdire ou à encadrer les clauses susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les parties contractantes, renforçant ainsi la protection des petites entreprises face aux géants de la grande distribution.

Ainsi, les contrats dans le secteur devront nécessairement faire l’objet d’une réécriture afin de se conformer à ces nouvelles règles, sauf à risquer la nullité de ces stipulations dans le cadre de contentieux ou de contrôle des autorités locales.

Il est intéressant de soulever que cet arrêté peut être rapproché des dispositions des articles L.341-1 et L.341-2 du Code de Commerce français qui avait pour objectif initial de lutter contre les abus de la distribution alimentaire.

Ce texte a finalement vu son champ d’application élargi à l’ensemble du commerce de détail, mais avait pour objectif premier de limiter la dépendance des distributeurs alimentaires à l’égard de la grande distribution, notamment par un enchevêtrement de clauses qui entrainaient une durée contractuelle excessive. Il conviendra donc d’être attentif à l’évolution de la législation sur le sujet.

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