L’international attire de nombreuses enseignes en quête de relais de croissance. Mais entre promesses d’expansion et réalités locales, mieux vaut éviter les faux départs. Maturité du réseau, choix du marché, stratégie d’implantation… voici les fondamentaux à passer en revue avant de tenter l’aventure hors frontières.
Roche Bobois, AccorHotels, L’Occitane en Provence… Nombre de réseaux français ont réussi leur déploiement à l’étranger. Mais avant de viser l’international, il est essentiel de s’assurer que son réseau est suffisamment mature, que le concept a été éprouvé et que le savoir-faire est bien établi dans le pays d’origine.
« Il faut avoir identifié tous les éléments qui participent au succès d’un concept », recommande Thierry Borde, cofondateur de l’Institut National Supérieur du Franchising, qui accompagne les franchiseurs dans leur développement. Autre prérequis : disposer d’un réseau déjà structuré et bien maillé, avec un minimum de franchisés », estime François-Xavier Awatar, avocat associé au sein du cabinet CMS Francis Lefebvre. « Nous conseillons à nos clients de se lancer à l’international lorsque l’enseigne connaît un succès significatif à l’échelle nationale. »
L’avocat met en garde contre la précipitation. Il recommande une approche progressive, comme le test du concept dans des corners. Entre les coûts de prospection, la formation des franchisés ou partenaires et leur accompagnement opérationnel, un développement international peut en effet s’avérer « extrêmement chronophage et onéreux ». Il est aussi indispensable de disposer de l’équipe adaptée : « Animer un franchisé à l’étranger n’est pas simple », prévient-il. Quant au moment idéal pour se lancer ? « C’est souvent une opportunité qui déclenche le développement », observe François-Xavier Awatar. Il appelle cependant à une grande rigueur dans le processus de sélection des partenaires locaux : « Il faut s’assurer que le futur franchisé n’est pas qu’un investisseur, mais qu’il comprend réellement le concept. »
Croiser les données pour faire les bons choix
Pour identifier les pays dans lesquels s’implanter, le franchiseur a tout intérêt à mener des études approfondies des marchés cibles, en s’appuyant sur des prestataires spécialisés.
S’il est irréaliste de conduire des études dans tous les pays, « il faut dégrossir en croisant les opportunités et les menaces au regard de son concept, afin de sélectionner stratégiquement les pays à prioriser », recommande Thierry Borde. Il suggère d’utiliser la matrice d’analyse PESTEL, qui permet de cerner les enjeux politiques, économiques, socioculturels, technologiques, écologiques et légaux d’un pays. À cela s’ajoute une analyse SWOT (forces, faiblesses, opportunités, menaces), à conjuguer avec le positionnement marketing de l’enseigne. « Le franchiseur doit analyser la stabilité politique, les régulations commerciales, la fiscalité, la croissance économique, les taux d’intérêt et de change, la démographie, la culture, les comportements de consommation, les modes de vie, la sensibilité écologique, les infrastructures technologiques… », énumère Thierry Borde. Et d’ajouter : « Il faut croiser toutes ces données avec le positionnement du concept, sinon c’est un coup d’épée dans l’eau. »
Pour François-Xavier Awatar, rien ne remplace le terrain : « La tête de réseau ne doit pas hésiter à se déplacer à plusieurs reprises pour appréhender le marché par elle-même et échanger avec les organismes locaux spécialisés en franchise. »
Adapter son concept sans le dénaturer
S’il fallait prioriser certains pays, François-Xavier Awatar recommande de commencer par des marchés géographiquement ou culturellement proches, comme l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne, ou encore des pays francophones tels que la Belgique ou la Suisse. « Le marché et la législation belge sont assez proches de ceux de la France, ce qui permet aux enseignes d’envisager un développement plus serein, avec moins d’adaptations à prévoir », souligne-t-il.
S’implanter à l’étranger implique toutefois d’adapter certains éléments au contexte local tout en préservant l’ADN de l’enseigne. « Il est crucial d’identifier ce qui peut être ajusté et ce qui doit rester inchangé dans le concept », avant d’aborder la phase fondamentale d’expérimentation et d’adaptation du concept, insiste Thierry Borde.
Certains éléments sont considérés comme intangibles : le nom de l’enseigne, la charte graphique, les valeurs, la philosophie ou encore les règles d’or. En revanche, des ajustements peuvent être envisagés, comme une gamme de produits spécifique ou l’adaptation d’un assortiment, précise François-Xavier Awatar. L’objectif est de rester fidèle à l’identité de la marque, tout en assurant sa pertinence locale.
Succursale, master franchise ou partenariat local
Plusieurs modèles s’offrent aux franchiseurs souhaitant se développer à l’international. Première option : porter le projet directement via des succursales, une société franchiseur locale ou la création d’une filiale, lorsque la tête de réseau connaît bien le marché et que la législation locale est favorable à une implantation directe.
Autre possibilité, plus économique : se développer en master franchise. Ce modèle est particulièrement adapté si l’enseigne ne connaît pas le marché ou que la réglementation locale ne permet pas une implantation en direct. Elle permet de confier le développement à un partenaire local, déjà familier du terrain.
Dernière alternative : créer une coentreprise (joint-venture) ou nouer un partenariat avec un acteur local fort. Dans ce cas, ce partenaire est chargé de contractualiser avec les franchisés. Au-delà de la connaissance du marché et de la législation, le choix du mode d’implantation dépendra surtout des moyens financiers du franchiseur, de la maturité transmissible de son savoir-franchiser (Manuel d’organisation des 6 métiers* du Franchiseur) et du budget qu’il souhaite consacrer à ce projet. Car se développer à l’international, c’est avant tout un investissement stratégique à long terme.
Et Thierry Borde de prévenir que « la master franchise sans conceptualisation des savoir-faire, sans phase d’expérimentation et d’adaptation dans le pays et sans manuel d’organisation du franchiseur pour transmettre le savoir franchisé au partenaire local échoue dans 80 % des cas ».
*Le manuel du développement du réseau, le manuel d’animation du réseau, le manuel logistique d’approvisionnement produits et services, le manuel des 5 communications, le manuel de Gestion, Le manuel du management général des 5 métiers services)
Notre résumé en 5 points clés par L’Express Connect IA
(Vérifié par notre rédaction)
Voici un résumé en cinq points clés de l’article sur le sujet : Les clés pour réussir le développement de sa franchise à l’international.
Maturité du réseau : Avant de se lancer à l’international, il est crucial que l’enseigne dispose d’un réseau structuré et éprouvé sur le marché national. Le succès à l’échelle locale est un prérequis essentiel, et le développement international doit être progressif.
Études de marché et choix des pays : L’identification des marchés cibles doit reposer sur une analyse approfondie, en utilisant des outils comme les matrices PESTEL et SWOT. Il est essentiel de croiser ces données avec le positionnement de l’enseigne pour prendre des décisions éclairées.
Adapter son concept sans le dénaturer : L’adaptation au contexte local est indispensable, mais l’essence de l’enseigne doit être préservée. Certaines éléments du concept, comme les valeurs et la charte graphique, doivent rester inchangés, tandis que d’autres, comme l’assortiment de produits, peuvent être ajustés.
Choisir le bon modèle d’implantation : Les franchiseurs ont le choix entre plusieurs modèles : succursale, master franchise ou partenariat local. Chaque option dépend des ressources, de la connaissance du marché et des législations locales.
Préparer soigneusement le projet : Le développement international nécessite une planification rigoureuse, notamment à travers la phase d’expérimentation, l’adaptation du concept et la transmission du savoir-faire au partenaire local. Un manque de préparation peut entraîner un échec, notamment dans le cadre de la master franchise.